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Côte d’Ivoire-Ghana : le cacao, ces fèves de la discorde

La Côte d’Ivoire et le Ghana jouent gros dans leur politique de rétention des fèves de cacao. Les expériences passées n’ont pas produit les effets escomptés. Mais Accra et Abidjan ont tout à y gagner.

Le 11 juin, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont décidé d’un commun accord de suspendre la vente de leur production de cacao sur le marché international. L’objectif ? Faire remonter les prix aux alentours de 2 600 dollars la tonne [2 300 euros]. Cette décision brusque et spectaculaire a fait couler beaucoup d’encre, d’autant que le pari est risqué et que les industriels vont être durs à convaincre. Pourtant, en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, ce type d’ultimatum n’est pas inédit.

La première fois, c’était en 1979. Après deux décennies de croissance soutenue et de résultats agricoles plus que satisfaisants, les cours internationaux avaient commencé à flancher en 1977. Deux ans plus tard, la Côte d’Ivoire décidait donc de se retirer du marché. Il s’agissait là d’une expérimentation de la part de l’exécutif ivoirien qui, en cette fin des années 1970, connaissait ses premières difficultés économiques. Mais ce fut un échec, et l’ardoise avait été salée – les frais de stockage s’élèveront à 7 milliards de F CFA [soit 10,7 millions d’euros].

1988 : le pire fiasco

Malgré tout, en avril 1988, la Côte d’Ivoire retente l’expérience lors de l’un des temps forts de ce que l’on appellera la guerre du cacao. Acculées par une baisse drastique des cours sur le marché international et privées d’une partie de leurs revenus, les autorités commencent par suspendre le service de la dette du FMI et de la Banque mondiale, le 25 mai 1987 – c’est le premier acte. Mais la confrontation débute véritablement l’année suivante, lorsque le pays décide tout bonnement de geler ses ventes à l’international – c’est le deuxième acte. L’idée était de priver le marché de 40 % de la production mondiale de cacao pour en faire bondir les cours à la Bourse de Londres.

Or la mauvaise préparation de cette décision et la surproduction qui sévissait à l’époque – la barre des 2 millions de tonnes est atteinte en 1987 – en font un nouvel échec. D’autant que les autres producteurs tels que le Ghana, le Nigeria ou le Cameroun ont refusé de faire cause commune et de retenir leur production, condamnant la Côte d’Ivoire à assumer seule ses choix. Résultat : des années plus tard, l’épisode de 1988 apparaît toujours comme le pire fiasco qu’ait jamais connu le pays en matière de lutte pour une plus juste rémunération des planteurs.

Ghana et Côte d’Ivoire : 70% de la production mondiale

Dès lors, la décision prise au début de juin est-elle vraiment pertinente ? Pour répondre à cette question, il faut garder à l’esprit que le contexte est différent, que plusieurs voyants sont au vert et surtout que la Côte d’Ivoire a aujourd’hui un allié de taille : le Ghana. À eux deux, ils représentent près de 70 % de la production mondiale. C’est ce qui peut permettre à ces deux géants du cacao de faire pression sur le marché international.

Par ailleurs, on est loin de la surproduction de 1987. La sécheresse qui menace d’amoindrir la production ivoirienne et la maladie du cacaoyer, le swollen shoot, qui pèse sur la production ghanéenne renforcent même l’inquiétude des industriels, qui seront du coup plus enclins à être conciliants.

L’ombre des élections

Mais la Côte d’Ivoire et le Ghana jouent gros. Économiquement, bien sûr, et politiquement : de nombreux analystes ont fait le rapprochement entre l’entente qu’ils ont conclue et les élections présidentielles qui se tiendront à la fin de 2020 au Ghana comme en Côte d’Ivoire. Car si cette politique de rétention des fèves finit par être un succès, elle ne manquera pas d’avoir un écho auprès des électeurs, qui, de part et d’autre de la frontière, sont convoités par les grands partis.

Ils pourraient y voir un acte de bravoure de la part de leurs dirigeants et en tenir compte dans les urnes. Dans un pays qui, comme la Côte d’Ivoire, compte près de 800 000 planteurs, qui font vivre autant de familles, cela n’est pas rien.

Pour ne rien gâcher, cela permet à ces deux pays de réaffirmer leur amitié à l’international. Un lien qui avait été mis à mal par un fâcheux contentieux lié à leur frontière maritime – l’affaire a été tranchée en septembre 2017 en faveur du Ghana par un arbitrage international – et par l’épineuse question des réfugiés ivoiriens au Ghana (le sujet n’a cessé de crisper les relations des deux voisins depuis la crise post-électorale ivoirienne). Autrement dit, le pari est risqué.

Les expériences passées n’ont pas produit les effets escomptés.

Mais Accra et Abidjan ont tout à y gagner.

 

Par Maurel Ahounou
Doctorant en Histoire contemporaine
à la faculté de droit et de sciences politiques de
l'Université de Rennes 1.
Spécialiste de l'histoire politique et économique de la Côte d'Ivoire.

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