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Loi contre le racisme : « tournant historique » en Tunisie, mais où en sont l’Algérie et le Maroc ?

Cette semaine, la Tunisie a étoffé son corpus législatif en adoptant un texte visant à criminaliser les actes, propos et discriminations racistes. Le pays conforte ainsi sa position de précurseur maghrébin en matière de droits humains, loin devant ses deux voisins.

La Tunisie a écrit une nouvelle page de son histoire en matière de droits de l’homme. Mardi dans la soirée, le Parlement tunisien a voté une loi criminalisant les propos racistes, l’incitation à la haine et les discriminations. À l’issue de longs débats, celle-ci a été votée par une grande majorité – 125 voix pour, une contre et cinq abstentions.

La loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale prévoit des peines allant d’un mois à un an de prison, et jusqu’à 1 000 dinars (300 euros) d’amende pour des propos racistes. « L’incitation à la haine », les « menaces racistes », la « diffusion » et « l’apologie du racisme », ainsi que la « création » ou la « participation à une organisation soutenant de façon claire et répétitive les discriminations », sont également passibles d’un à trois ans de prison, et jusqu’à 3 000 dinars (920 euros) d’amende. La pénalité financière peut monter à 15 000 dinars (environ 5 000 euros) pour les personnes morales.

« C’est un tournant très important dans l’histoire de la Tunisie, équivalent à l’abolition de l’esclavage », a déclaré à l’AFP Messaoud Romdhani, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Cette criminalisation est également une première dans le monde arabe. Dans les pays voisins, la question du racisme est soit au point mort, soit totalement occultée.

Maroc : pas de loi mais des régularisations
Au Maroc, malgré un changement de politique migratoire en 2013, des faits divers alimentent régulièrement l’actualité. En octobre 2013, un Sénégalais a été tué à l’arme blanche dans le quartier de Boukhalef à Tanger, provoquant de violentes tensions entre migrants et habitants – suscitant une vive émotion au Sénégal. En 2014, trois migrants (un Camerounais et deux Guinéens) sont de nouveau tués par les habitants de Boukhalef. En 2015, deux Ivoiriens sont eux aussi assassinés lors d’une opération d’expulsion massive.

En 2013, le Parti authenticité et modernité (PAM) a proposé une loi visant à sanctionner le racisme à l’encontre des Subsahariens. Une initiative très vite enterrée. En janvier 2018, c’est au tour de l’Istiqlal de présenter, devant la Commission de la justice et de la législation de la Chambre des représentants, un projet de loi sanctionnant de prison tout type de pratiques discriminatoires basées sur la race, la religion, la nationalité et la couleur de peau. Une proposition une nouvelle fois oubliée par les députés marocains.

LE ROYAUME A RÉGULARISÉ QUELQUE 50 000 ÉTRANGERS EN DEUX VAGUES (2014 ET 2016)

Si une loi anti-racisme n’a toujours pas vu le jour dans le pays, le roi Mohammed VI a affirmé en 2013 que le Maroc est devenu une terre d’accueil pour les migrants, qui doivent être traités de manière globale et humanitaire. Depuis cette annonce, le royaume a régularisé quelque 50 000 étrangers, en deux vagues (2014 et 2016). Une telle politique reste inexistante en Tunisie.

Algérie : un débat absent

En Algérie, les autorités ne semblent pas prêtes à s’emparer de la question. Pour lors, aucune proposition de loi n’a vu le jour. Mercredi 10 octobre, le gouvernement a d’ailleurs rejeté, « globalement et dans le détail », les « assertions de l’ONU » reprochant à l’Algérie l’expulsion massive de plus de 12 000 migrants vers le Niger – et ce depuis début 2018, dans des conditions de vie inacceptables.

La principale particularité de la gestion des migrants en Algérie réside dans la pénalisation de l’immigration illégale. En effet, les articles 42 et 44 de la loi 08-11 du 25 juin 2008 pénalisent l’entrée, le séjour et la sortie irréguliers du territoire algérien.

L’été dernier, une violente campagne visant les migrants subsahariens s’est propagée sur les réseaux sociaux, à l’aide du hashtag « #لا_للافارقه_في_الجزاير » (#Non aux Africains en Algérie). Au niveau gouvernemental, le ton s’est également durci. Ahmed Ouyahia, à l’époque chef de cabinet d’Abdelaziz Bouteflika, a déclaré à Ennahar : « La communauté africaine qui réside en Algérie de manière illégale apporte de la drogue, de la délinquance et d’autres fléaux. On ne peut pas dire aux autorités ‘jetez-les à la mer’, mais il faut vivre en Algérie de manière légale. »

Et celui qui deviendra Premier ministre d’ajouter : « On va me dire ‘les droits de l’homme’, mais on est les rois chez nous ! »

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